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L’augmentation du prix de l’énergie devient très difficilement gérable chez les grands pays producteurs de végétaux : les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Allemagne. La production d’engrais est également pénalisée. La filière horticole se tourne vers les énergies renouvelables.
Les dernières semaines ont été dominées par des consultations de crise entre les porte-parole des filières horticoles et les gouvernements de plusieurs pays. Aux Pays-Bas comme pendant la crise du coronavirus, diverses organisations horticoles ont, de nouveau, uni leurs forces : RFH, VGB, GlastuinbouwNederland, GroentenFruit Huis, VBW, GreenportsNL, Plantum et VNO-NCW.
La crise, causée par les prix extrêmement élevés de l’énergie, affecte gravement non seulement les producteurs néerlandais, mais aussi l’ensemble de la filière. L’avenir d’une grande partie de cette industrie est en jeu. Ces organisations professionnelles font pression sur les responsables politiques à La Haye et à Bruxelles.
Le coût de l’énergie en ligne de mire
Le marché de l’énergie doit être très rapidement maîtrisé, de préférence par un plafonnement des prix du gaz et de l’électricité. Pour les entreprises non protégées par un contrat d’approvisionnement de gaz signé avant la crise, le prix de l’énergie est multiplié par 10, et pour tous les producteurs, les prix des intrants de culture ont augmenté en six mois de 15 à 20%. La part des Pays-Bas dans le commerce mondial des fleurs coupées va passer en 2025 de 46% à 40%.
En Allemagne, le secrétaire général du ZVG, Bertram Fleischer insiste : « L’hiver approche à grands pas et nous avons maintenant besoin de mesures rapides et directement efficaces pour les entreprises ». Les entreprises horticoles – en particulier la culture sous serre à forte intensité énergétique - sont déjà aux prises avec des augmentations de coûts massives qui les amènent à la limite de ce qu’elles peuvent supporter : « Nous demandons donc au gouvernement fédéral de décider d’une suspension temporaire de la tarification du CO2 ».
En outre, des allégements supplémentaires, tels qu’une subvention temporaire des coûts et une réduction à zéro de la taxe sur l’énergie sont nécessaires pour les petites et moyennes entreprises. La combinaison de coûts de production extrêmement élevés, d’une part, et d’une demande réduite en raison de la réticence des consommateurs à consommer, d’autre part, signifie que nos entreprises ne sont plus en mesure d’obtenir les prix assez rémunérateurs pour maintenir leurs entreprises à flot. Du coup, les entreprises familiales, dont certaines sont implantées et prospères dans l’horticulture depuis des générations, nous parlent de peurs existentielles et d’un manque total de perspectives.
Au Royaume-Uni, en plus d’exercer une pression sur les entreprises, la hausse des coûts des intrants et de l’énergie entrave les efforts des acteurs de la filière pour réduire les émissions de carbone. Parmi les personnes interrogées dans le cadre d’une enquête de la Westminster Bank, 82% déclarent ressentir un sentiment de frustration ou de culpabilité de ne pas pouvoir poursuivre les actions planifiées sur les mesures climatiques.
Une grande majorité des personnes interrogées (88%) sont également au moins quelque peu inquiètes de l’impact que le changement climatique aura sur l’avenir de l’agriculture, mais 37 % se sentent incapables d’agir sur leurs plans de transition climatique car ils doivent prioriser la sauvegarde d’une activité commerciale très critique.
En Belgique, par exemple, « les factures de gaz naturel des producteurs sous serres passent de 50 000 à 600 000 € par an (pour une serre de 2 ha) », précise le président du Boerenbond. « Les producteurs envisagent de ne pas planter cet hiver, ou de ne pas utiliser de lampes ou de cultiver à des températures plus froides. Cela affecte les rendements, le moment de la récolte, le personnel employé, les prix de vente, etc. »
Les productions énergivores sous serres sont les plus touchées
Les chiffres les plus alarmistes qui circulent dans les médias aux Pays-Bas vont jusqu’à – 40% pour la production de fleurs coupées. C’est bien sûr excessif, mais pour les cultures de fleurs coupées énergivores, telles que les roses, les lisianthus, les gerbéras, les chrysanthèmes et pour la production de plantes en pot (phalaenopsis, poinsettias) la quantité produite cet hiver va certainement diminuer. A côté des entreprises en difficulté, il y a aussi celles qui ont sécurisé leur contrat d’énergie pour une plus longue période à un faible taux et qui envisagent de vendre ce contrat d’énergie, car c’est financièrement plus intéressant que de produire des plantes ou des fleurs.
D’après ce qui ressort des discussions avec les principaux acteurs du marché horticole, il faut s’attendre en moyenne à une baisse de production de l’ordre de 20 à 25% pour les cultures sous serres chauffées. Mais, n’oublions pas que les grossistes, les exportateurs et les distributeurs annoncent une baisse de l’ordre de 30% de leurs intentions d’achats et de réservations de fleurs et plantes comparativement à l’automne 2021 ; car ils anticipent la baisse de consommation consécutive à l’inflation qui sévit dans toute l’Europe et qui va certainement pénaliser le pouvoir d’achat.
Alerte sur les engrais
La plupart des producteurs d’engrais occidentaux sont contraints de fermer leurs usines, et Achema en Lithuanie ne fait pas exception. Les prix record du gaz naturel affectent directement le coût de production, et le prix des engrais produits en Europe ne sont plus compétitifs en comparaison de ceux d’autres provenances, déclare le PDG d’Achema. Il en va de même pour la production de l’usine d’azote SKW Piesteritz GmbH qui est gravement compromise.
Mais, que peut aussi nous apporter cette crise ?
En pratique, nous remarquons que certains producteurs sous serres ont déjà un plan clair en tête. Ils privilégient désormais les investissements durables – tels que les panneaux solaires sur les bassins de réserve d’eau, les déshumidificateurs, les lampes LED au lieu des lampes HPS, les écrans supplémentaires, le raccordement à la géothermie et/ou aux systèmes de chaleur résiduelle, ou ils se tournent vers d’autres sources d’énergie non fossiles. Les investissements vers les solutions d’énergies renouvelables sont privilégiés par rapport à ceux vers l’extension des surfaces ou ceux pour la robotisation/automatisation.
En amont de la filière, les sélectionneurs et obtenteurs mettent les bouchées doubles pour développer des espèces capables de s’adapter aussi aux moindres températures de culture sous serres. Les opérateurs financiers, les banques et investisseurs privés ainsi que les structures d’accompagnement des clusters horticoles sont très attentifs à cette évolution rapide. Les programmes de développement des énergies alternatives renouvelables vont nettement s’accélérer, améliorant plus vite que prévu notre bilan carbone et notre indépendance énergétique.
Toujours des fleurs pour traduire l’émotion malgré toutes les crises
S’il fallait encore une preuve de l’irremplaçable pouvoir des fleurs pour traduire les émotions, les millions de fleurs qui ont jalonné le dernier parcours de la Reine Elisabeth II ont témoigné de l’affection de ses sujets malgré une crise du pouvoir d’achat plus forte au Royaume-Uni que dans le reste de l’Europe.
Source :
Note de veille internationale par Brand Wagenaar pour VALHOR, Résumé d’informations internationales pour les semaines 36 à 39, septembre 2022.